Chronique d’un abattage annoncé
On nous dit : c’est nécessaire.
Un mot propre, un mot froid,
posé sur le vivant comme un couteau administratif.
Un cas. Un seul.
Et un troupeau disparaît,
des années de gestes, de veilles, de regards,
effacées par une décision qui ne tremble pas.
Personne n’explique vraiment comment la maladie voyage.
En hiver, sans insectes visibles,
elle saute les vallées, franchit les montagnes,
apparaît ici, puis là,
comme si le hasard aurait un agenda.
On ne désinfecte pas les mots,
on envoie des uniformes,
on ferme, on abat,
et l’ordre public remplace la question sanitaire.
Qui nettoie les roues, les mains, les bottes ?
Qui suit les trajets, les marchés, les intermédiaires ?
Qui regarde les flux ?
On préfère l’efficacité spectaculaire,
le troupeau à terre rassure plus
qu’une enquête longue et dérangeante.
Et pendant ce temps, les signatures tombent,
les accords se négocient loin des prés,
les frontières s’ouvrent aux marchandises
pendant que les campagnes se ferment aux hommes.
On appelle cela protection.
Mais protéger sans comprendre, c’est répéter.
Répéter sans apprendre. Abattre sans voir.
Alors oui, certains posent des questions.
Ils sont vite classés, étiquetés,
rangés dans la case des gêneurs.
Mais demander pourquoi n’est pas refuser de lutter.
C’est refuser l’aveuglement.
Car une société qui abat d’abord et réfléchit ensuite
finit toujours par s’étonner
de n’avoir plus rien à défendre.
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